Ramenée par une délégation du premier ministre et des participants d’un sommet, la pandémie de COVID-19 s’est répandue en République du Congo. Pour le gouvernement, c’est une opportunité de s’enrichir. Pour les citoyens, le détournement de ressources et des dons sanitaires, l’absence de mesures claires de confinement et le sous-financement des soins de d’État sont un cocktail mortel.
Chloé Bafouidi Nsoni, 29 ans, n’avait peut-être pas la Covid-19. Mais son décès est attribuable à la désorganisation des autorités congolaises pendant la crise.
Chloé Bafouidi Nsoni, 29 ans, n’avait peut-être pas la Covid-19. Mais son décès est attribuable à la désorganisation des autorités congolaises pendant la crise.
Arrivée à terme de sa grossesse, la jeune femme attendait d’accoucher par césarienne à l’hôpital de base de Makélékélé. Sa situation, jugée trop grave, est transférée à l’hôpital Mère-Enfant Blanche-Gomes. Dans cette structure hospitalière, il est établi un diagnostic Covid-19, car la patiente présente une dyspnée aiguë.
Le test a-t-il réellement été effectué ? Il semble que non. Chloé est transférée à la Clinique Municipale Albert-Leyono car “Blanche-Gomes n’ayant pas un bloc approprié pour la césarienne d’une patiente Covid-19” dira le Dr Régis Ondzé dans son rapport.
Arrivée à la Clinique Municipale Leyono autour du Jeudi 28 mai 2020, Chloé est abandonnée par le personnel soignant lui-même sans véritable équipement de protection. L’agonie de la mère et de son enfant dure 24h dans une indifférence inhumaine. Des soins légers sont prodigués par des médecins impuissants et Chloé ainsi que son enfant à naître décèdent le samedi 30 mai 2020 à 4h du matin à la Clinique Leyono qui a – ni équipement ni personnel adéquat – pour répondre à la pandémie à la Covid-19.
Les résultats post mortem de recherche d’infection à la Covid-10, signés par le directeur général du laboratoire national, le Pr Fabien Roch Niama, se sont révélés négatifs.
Chloé est morte d’un virus qu’elle n’avait pas. Et son histoire reflète celle de tous les Congolaises et Congolais qui doivent faire face à un système de santé sous-financé durant une crise sanitaire internationale.
Chloé est morte d’un virus qu’elle n’avait pas.
Le citoyen congolais, avec un revenu moyen annuel de 1 640 US$ selon Doing Business, n’a pas la chance de voyager. Ça ne le protège pas de la COVID-19, alors qu’une minorité voyage et ramène ainsi le virus dans leur valise.
Il fait frais sur Amsterdam ce 25 février 2020. La délégation dirigée par le Ministre de l’agriculture Henri Djombo s’engouffre dans le bâtiment de l’Institut Royal des Tropiques d’Amsterdam. Le ministre veut faire bonne figure, GrowCongo c’est son bidule. Le Netherlands-African Business Council (NABC), le premier ministre Clément Mouamba et les dirigeants de la FAO participent tous à cette conférence. Pour le ministre, c’est une opportunité de vendre son programme de diversification économique par l’agriculture.
On se salue, on s’embrasse, on réseaute. L’épidémie qui fait souffrir déjà l’Italie n’est qu’une vue de l’esprit ici. Le 27 février, le premier cas officiel est déclaré aux Pays Bas.
Après sa participation au Forum “GrowCongo Invest in agriculture” à Amsterdam aux Pays Bas, Clément Mouamba visite le Salon International de l’Agriculture en France. Le 28 février, le premier ministre déambule avec sa délégation dans un salon poussif par crainte de Covid-19. Il se retrouve en réunion dans une salle minuscule avec les lobbyistes du blé français de la FNSEA. On se partage les gouttelettes, on se gratte le dos.
À Brazzaville et dans la diaspora congolaise, des voix se lèvent pour réclamer le contrôle stricte des arrivées aéroportuaires voire une suspension des vols non-essentiels. Le 4 mars, le gouvernement publie une circulaire ministérielle pour exiger la quarantaine de passagers en provenance de France, de Chine et d’Italie. Pourtant, fin février des destinations comme le Liban, l’Espagne, le Nigéria, le Qatar et les Etats Unis sont déjà affectées. Nous sommes donc devant une circulaire cosmétique, sans réelle force ni efficacité. Elle reste en effet, inappliquée car inapplicable. Les Passagers Air France en provenance de Paris qui s’est posé le 04 mars à 18 h 20 (17 h 20 GMT) à l’aéroport de Brazzaville « ont pu sortir normalement après un contrôle médical habituel », rapporte une source de l’AFP.
Nous sommes donc devant une circulaire cosmétique, sans réelle force ni efficacité. Elle reste en effet, inappliquée car inapplicable.
Pourtant, dès le 4 février, le ministre de l’intérieur Mboulou Zéphirin avait fait le tour des postes frontières avec la ministre de la santé et le porte-parole du gouvernement pour constater le déploiement des mesures anti-COVID 19 dans les postes frontières. Le 13 février, à la mairie de Kintélé, un malade présumé COVID-19 aiguillé par le CHU de Brazzaville vers l’Hôtel Concorde de Kintélé, lieu de confinement désigné par le ministère de l’intérieur, crée la débandade en se trompant de Bâtiment.
La Mairesse, Stella Mensah Sassou Nguesso, fille du Président, révèle dans un appel au service du ministère chargé de la COVID que le lieu de confinement n’est que virtuel: aucun personnel, rien n’est prêt avant le 13 février pour la quarantaine. On joue à combattre la COVID car en réalité, on sait l’état de déliquescence du système sanitaire congolais, il faut gagner du temps, offrir à l’opinion des os à ronger.
Le lieu de confinement n’est que virtuel: aucun personnel, rien n’est prêt avant le 13 février pour la quarantaine.
Le véritable problème n’est pas le nouveau virus, mais bien des hôpitaux cumulant les dettes et les impayés avant même que ne se pointe le coronavirus.
Nom de la structure | Situation |
Hôpital de Loandjili de Pointe-Noire | 7 mois de salaires impayés pour une masse salariale de 200 000 000 FCFA (env. 300 000€) par mois. |
Hôpital de Dolisie | 21 mois d’arriérés de salaire impayés |
Hôpital 31 juillet d’Owando | 10 mois de salaires impayés pour une masse salariale de 3 800 000 FCFA (env. 4500€) |
CHU de Brazzaville | 5 mois de salaires impayés avec une masse salariale de 898 989 570 FCFA (env. 1 400 000 €) |
CNTS (Centre national de transfusion sanguine) | 8 mois de salaire impayés avec une masse salariale de 90 000 000 FCFA (env. 138 000 €) |
Chiffres 2018 syndicat santé FENASAS
La clinique municipale leyono entame son sixième mois sans salaire depuis le début de la crise sanitaire en Mars 2020.
Pour comparaison, l’appartement de New York de Claudia Sassou d’une valeur de 6 millions d’euros couvrirait à lui tout seul 20 mois de salaire de l’Hôpital de Loandjili.
L’appartement de New York de Claudia Sassou d’une valeur de 6 millions d’euros couvrirait à lui tout seul 20 mois de salaire de l’Hôpital de Loandjili.
Entre 2007 et 2017, Denis Christel aurait dépensé plus de 29 millions de dollars en articles de luxe à des fins personnelles, soit l’équivalent de près d’un dixième du budget congolais alloué à la santé rapporte Global Witness dans un rapport sur les acquisitions en Floride du député de la ville d’Oyo.
La santé n’est pas la priorité du régime, bloquant une réponse efficace des services de santé. Devant le tsunami médical à venir, le régime a préféré jouer l’autruche plutôt que de protéger ses citoyens.
Le 12 et 13 mars 2020, en dépit des mesures de quatorzaine pourtant en vigueur depuis un mois, le Président Sassou Nguesso convoque un conclave à l’Alima Palace de Oyo. Les jets privés se bousculent à l’aéroport Denis Sassou Nguesso de Ollombo.
Pas de quatorzaine pour les délégations sud-africaine, tchadienne, égyptienne, libyenne ou algérienne. L’Egypte et l’Afrique du Sud sont déjà des foyers épidémiques en Afrique. Le palace est complet, le conclave se déroule dans une atmosphère de grande proximité. Au diable la distanciation sociale!
De retour de ce voyage, la ministre Dlodlo Pandor de l’Afrique du Sud a été placée en quatorzaine. car un de ses employés qui avait fait le voyage de Oyo a testé positif à la Covid-19.
Le cluster de l’Alima Palace est resté relativement opaque jusqu’à ce que sur les ondes d’une chaîne locale VOX TV, le patron du groupe hôtelier PEFACO propriétaire de l’Alima Palace, membre du Conseil économique de l’Ambassade de France, monsieur Alexandre BECHER ne soit présenté comme le porte parole des malades guéris de la Covid-19 en République du Congo !
Tout porte à conclure que le virus est entré dans le pays par la délégation du premier Ministre et par ce conclave sans lendemain à l’Alima Palace de Oyo. Les autres points d’entrée du virus au Congo sont les installations pétrolières et le port privé halieutique à Tchissanga de la compagnie chinoise Rongchang Fisheries.
Tout porte à conclure que le virus est entré dans le pays par la délégation du premier Ministre et par ce conclave sans lendemain à l’Alima Palace de Oyo.
Dans sa stratégie de lutte contre la Covid-19, le gouvernement congolais a choisi d’imposer la quatorzaine dans des hôtels de la place, au frais du contribuable. La liste des lieux de quatorzaine a fait la part belle aux hôtels des Barons du régime, une occasion de plus de détournements.
La liste des lieux de quatorzaine a fait la part belle aux hôtels des Barons du régime, une occasion de plus de détournements.
La Covid-19 est rapidement devenue une nouvelle opportunité d’enrichissement. Les gels hydro-alcooliques offerts à l’Etat par une brasserie locale se sont immédiatement retrouvés en vente dans le commerce au lieu d’équiper les hôpitaux. Les masques et autres matériels, dons du milliardaire chinois Jack Ma, ont été en partie détourné et distribué à des fins électoralistes dans les fiefs tribaux des députés du parti au pouvoir. La ministre de la santé a particulièrement doté sa circonscription de Mouyondzi au détriment de toute logique de priorité sanitaire.
Pendant que le régime instrumentalise la pandémie, les citoyens se retrouvent sans aide.
Dans le plan de crise congolais, les hôpitaux de l’amitié sino-congolaise occupent une place centrale bien que les remontées du terrain font état d’hôpitaux fantôches et sans véritable structure de réanimation ou de prise en charge compatible avec l’infection COVID-19. Le média local VOX rapportait dès le 23 mars 2020 que l’hôpital de l’amitié sino-congolaise et la clinique municipale Leyono ne disposent encore d’aucun équipement ni de personnel adéquat pour répondre à la volonté du gouvernement.
l’hôpital de l’amitié sino-congolaise et la clinique municipale Leyono ne disposent encore d’aucun équipement ni de personnel adéquat
À Brazzaville, le régime a choisi de pratiquer le confinement à sec avec des arrières pensées politiciennes. Dans une société où les citoyens vivent au jour le jour, sans eau potable ni électricité stable, il ne faut pas être grand clerc pour deviner que nous allons vers l’hécatombe. L’enjeu pour le régime de Brazzaville est ailleurs, avec un couvre-feu strict, on prend l’option chinoise d’une politique de santé publique autoritaire c’est-à-dire laisser mourir en masse, interdire les deuils, intimider et réprimer les récalcitrants puis réécrire l’histoire.
Avec le couvre feu et l’interdiction des transports en commun pour cause de confinement, la presse locale avait déjà signalé au moins deux cas de femmes enceintes en détresse qui, faute d’ambulance, ont accouché en pleine rue.
La pandémie à la Covid-19 a accentué les violences faites aux femmes et les mesures de confinement ont été particulièrement compliquées pour cette partie de la population congolaise qui survit par des emplois précaires de l’économie informelle.
Les restrictions sur les jours de vente dans les marchés domaniaux de la ville de Brazzaville ont été un calvaire pour les femmes. Le Maire intérimaire Guy Marius OKANA, capturé dans une vidéo, n’hésite pas à violemment réprimander une vendeuse handicapée du marché dans un échange.